Nicole Crestou, dans « La revue de la céramique et du verre »
Sculptures monumentales céramiques
Lorsque la sculpture dépasse le rapport de la main ou du bras, lorsqu’elle se mesure au corps, lorsqu’elle n’a pas besoin de socle, alors elle se définit comme monumentale.
Dès que le mètre est dépassé, tout change, dans le façonnage comme dans la vision. La taille de chaque spectateur devient alors la référence et la mesure de comparaison. Et ce qui nous dépasse nous impressionne. La sculpture céramique semble peut-être encore plus impressionnante à ceux qui ont fait l’expérience du façonnage de l’argile et qui ont vu s’effondrer une terre lourde et sans squelette pour la soutenir. Le céramiste doit gérer plusieurs paramètres et travailler en fonction du séchage. La mise en danger de la pièce est constante.
Étienne Magen éprouve un grand plaisir à construire petit à petit de grandes sculptures. Un plaisir différent pour les créations hors normes, pour le dépassement des limites. Un plaisir suffisamment fort pour affronter les contraintes et les risques constamment présents, pour patiemment recommencer si d’aventure le déplacement ou la cuisson ne donnaient entière satisfaction. Cette expérience de la grande dimension change la manière de travailler, impose le recul régulier et une vision liée à l’environnement. Le rapport à la lumière est également différent, notamment dans les œuvres qui sont construites en découpant un espace intérieur.
La création du sculpteur vient alors aux limites de l’architecture.
Frédérique Juquier
Dans un mouvement voluptueux à l’infini, naissent de la terre étirée et façonnée, les formes bombées et redondantes des prémices de la vie.
L’écorce brune, lisse et luisante de ces formes massives attire à elle une lumière toujours mouvante qui effleure les arrondis et se glisse jusque dans les creux et les vasques, comme pour les redessiner.
Chaque angle laisse échapper une perspective naissante qui n’en finira pas de s’onduler dans une mouvance permanente.
Elles apparaissent, s’étirent, se raidissent, fusionnent, s’abandonnent, se détachent, s’élèvent, s’arrondissent, s’étendent, se tiennent, se soutiennent, font passer la lumière et subjuguent l’œil curieux. Leur ondulation suit une insaisissable légèreté de mouvements qui se déversent dans l’éternel, se rompent telle une fascination capricieuse évaporée des mains encensées du sculpteur.
Geneviève-Morgane Tanguy, dans « La Renaissance du Loir-et-Cher »
Avec le sculpteur Etienne Magen, on rencontre le calme, la plénitude, la sérénité d’un artiste proche de l’essentiel, d’une nature révélée et partout rayonnante. Ses formes, ses corps allient charme, poésie et mouvement. Un orme majestueux lui a permis d’y tailler cinq statues : en suivant le fil du bois, l’évocation sylvestre est immédiate, la main transmettant à l’imaginaire, par un circuit tactile privilégié, les ondes bénéfiques irradiant encore l’arbre couché. Les grès ravissent par leur sobriété, leur chant perceptible et murmurant : bassin pour les oiseaux, jardin de l’enfance, mains oubliées sur des formes.
La technique au grand feu de Magen lui permet de doter ses statues de brillance et de matité selon les cuissons. Ses plus grandes pièces destinées à l’extérieur, aux jardins romantiques ou surréalistes, comme le temps qui passe laissent glisser les intempéries par indifférence, par insensibilité.
L’intuition, les révélations du sculpteur guident sa main dans le choix des pâtes, des mélanges de terre et de couleurs, suivant en cela l’antique tradition alchimique dont l’obsession du grand œuvre est perpétuellement renouvelée.
Laurence Boutier
Femmes offertes à l’accueil de nos mains, insaisissables mais révélées aux caresses des âmes… Courbes intimes modelées d’un amour infini, celui de l’artiste… Les sensations se mêlent en un mouvement lent… La rencontre a lieu…
Rencontre avec la matière dans un premier temps. La céramique dit son union d’entre la terre et le feu. De cette union surgissent des reflets, d’innombrables éclats ; sombres, chaudes ou inquiétantes, les couleurs vibrent, déposées par les flammes… Elles animent d’une vie insoupçonnée les formes, voilent et dévoilent les contours.
L’œil entend cet appel, le murmure d’un secret ; c’est le désir de la main, l’attente inconnue de la peau qui jaillit.
La terre cuite chante alors sous la caresse, elle résonne sous les doigts. La peau durcie de la terre révèle son grain ; ce sont les cendres emportées par le souffle du feu, qui déposées dans sa quête, laissent la marque d’une étreinte fugace : un vernis coloré, une texture rugueuse… C’est aussi le soufre contenu dans la terre qui, en s’oxydant pendant la cuisson, forme la pyrite, pierre de feu, autant de grains de beauté sur les corps. C’est alors qu’au creux de la paume, la peau de la terre dépose en retour un fourmillement étrange.
Le fond a remonté et la forme. les formes s’offrent enfin. L’intime et le féminin se déploient, ils invitent à partager l’instant.
Stéphane Rey, dans « L’Écho de Bruxelles »
De grès et de force
Les sculptures monumentales en grès d’Étienne Magen ont à la fois une présence humaine et un élan vers le plastique pure. Grandes pièces monochromes aux tons de terre cuite, de glaise et de cuivre, elles évoquent Henri Moore et Charles Delporte. Ce sont des créations qui s’inscrivent dans la statuaire la plus consciente de ses objectifs : les grands espaces, le plein air…..
Céramiste qui s’attaque au grand format, sans recourir à l’assemblage d’éléments préfabriqués, il dispose d’un four à flamme renversée d’où il a sorti des œuvres atteignant 1 mètre 95. Il modèle avec grand soin ses statues dont l’épaisseur moyenne des parois est de 2 centimètres et qui, terminées, ont sous le choc du doigt recourbé, une sonorité mystérieuse d’objet antique et sacré.
Mais s’il aime son métier d’homme du feu et pratique celui-ci avec honneur, il n’oublie jamais que la technique n’est pas un but en soi, mais un moyen, indispensable certes, de s’exprimer à travers les formes et les volumes. Généralement inspirées par le corps féminin et par des rêveries fantastiques, Étienne Magen invente des fontaines dont il fait des « bains d’oiseau », d’hiératiques figures égyptiennes, des cygnes, des nageuses, ou même un surprenant hommage à Marilyn (en bois d’orme) où il se souvient de son métier savant d’ébéniste et de la taille souple de la belle Américaine.
Ses œuvres peu nombreuses, mais choisies, occupent le hall d’entrée et le jardin « suspendu » d’un hôtel récent dont les locaux se prêtent bien à une action de mécénat.